A l’aube d’un nouveau monde financier ?

L’une des conférences plénières des 26èmes Rencontres de l’AMRAE portait sur l’état des lieux du système économique et financier mondial, notamment à l’aune des nouvelles « cryptomonnaies » type bitcoin. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ambiance est plus à la vigilance qu’à l’exubérance sur le sujet.

Krach à venir ou pas ? Les experts eux-mêmes sont divisés, suite au ‘chahut’ de ces derniers jours sur les principales places financières mondiales (Etats-Unis, Europe, Asie). Simple rééquilibrage, sorte de phénomène de compensation après les précédentes envolées des marchés, disent certains ; pour d’autres, il s’agirait là du phénomène d’anticipation classique face aux nouvelles politiques à venir des banques centrales, dont les liquidités faciles risquent fort de se tarir maintenant que l’économie repart ; ou encore, troisième scénario envisagé, nous serions en fait à l’aube d’un nouveau monde, dans la sphère financière au même titre que dans les autres champs de la vie quotidienne. Une phase de transition, en quelque sorte, donc, où de nouvelles monnaies prendront peut-être, à moyen-long terme, la main.

Des bulles pressenties, mais officiellement pas de nouvelle crise financière à craindre

Quelle que soit la véritable raison (ou les raisons) de ces récents mouvements des marchés financiers, peu d’observateurs, à ce stade en tout cas, osent officiellement évoquer la possibilité d’une nouvelle crise financière, naissante ou à venir. Interrogé sur le sujet en milieu de semaine dernière, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire s’est voulu rassurant : « Il est bon que la réalité à un moment donné reprenne ses droits et qu’il n’y ait pas un écart trop important entre la valorisation boursière des actifs et la réalité de la valeur de ces actifs », a-t-il estimé. Sauf que plusieurs inconnues, et non des moindres, pourraient bien gâcher l’ambiance … Notamment, comme l’a souligné l’économiste Philippe Dessertine lors de la conférence de l’Amrae, « un point est fondamental : après la crise de 2007-2008, nous n’avons jamais connu d’intervention aussi forte des banques centrales. Il n’existe donc aucune référence qui nous permette de dire exactement ce qui va se passer… ».  

Le grand écart entre des statistiques macroéconomiques plutôt encourageantes mais des prévisions quasi impossibles

Lors de cette conférence portant sur l’état du système économique et financier mondial, les intervenants ont surtout souligné la dichotomie entre des signaux statistiques macroéconomiques a priori positifs (retour de la croissance aux Etats-Unis et, bien que fragile, en Europe avec des perspectives positives ; croissance toujours élevée en Chine, etc.) et la crainte de l’apparition ou de l’accélération de risques tels que le retour brutal de l’inflation, les risques géopolitiques, climatiques… et bien sûr concurrentiels. Pour Philippe Donnet, Directeur Général de Generali, c’est la conjugaison de l’ensemble de ces risques qui crée des difficultés. En soi donc, rien de bien neuf par rapport à l’année dernière, pourrait-on penser. Hormis un sujet qui, cette année, a cristallisé les interrogations : les nouvelles monnaies virtuelles, qui circulent sur Internet, dans une sorte de monde parallèle, autrement dit les « cryptomonnaies ».     

Les cryptomonnaies prendront-elles le relais ou seront-elles la prochaine bulle ?

Pour Philippe Donnet par exemple, les mouvements erratiques observés ces derniers temps sur les marchés financiers dits « traditionnels » pourraient en effet refléter l’épuisement d’un système financier à bout de souffle, ne correspondant plus du tout aux réalités économiques, financières, sociétales et technologiques actuelles. Certains chantres des cryptomonnaies en veulent pour preuve le succès de ces nouvelles monnaies virtuelles, utilisables sur un réseau informatique décentralisé, de pair à pair, type Bitcoin, Ethereum, etc. Sauf que le Bitcoin joue lui aussi aux montagnes russes ces derniers mois… laissant beaucoup d’observateurs « perplexes ». Ainsi, aux yeux de Philippe Donnet, « nous n’avons encore rien vu ». Pour lui, le monde ne serait même que sur la 1ère marche d’un escalier qui en compte des milliers….

Une ère où il va falloir oser prendre des risques, et ne plus se contenter de les gérer

Après celle de la vapeur, puis du pétrole et celle de l’électricité, l’heure de la 4ème révolution est arrivée, dont nul ne peut prévoir l’issue. « Autant je suis convaincu de l’utilité que peut avoir la blockchain pour nous, un sujet sur lequel nous travaillons avec d’autres assureurs… autant nous partons de beaucoup plus loin sur les cryptomonnaies, et le discours des banquiers centraux à Davos sur ce sujet me laisse perplexe… », a-t-il expliqué. Selon lui, ces dernières décennies, le marché était surtout axé sur le management, la gestion des risques ; là « il faut maintenant oser en prendre, quand bien même cela pourrait se traduire par des échecs ».

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