Codes courtage

Le webzine de PLANETE CSCA

Accueil > Webzine > L'actualité du courtage > Réglementations > Les dispositions LCB-FT en quatre points clés

6 février 2018

Les dispositions LCB-FT en quatre points clés

La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) constitue depuis des années une préoccupation majeure des pouvoirs publics nationaux et des autorités internationales comme le Groupement d’Action Financière Internationale (GAFI).

Le 26 juin 2017, la 4ème directive relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment et capitaux ou du financement du terrorisme est entrée en vigueur ; la France l’a transposé le 1er décembre 2016 par l’ordonnance n° 2016-1635.

Le périmètre de ces dispositions concerne bien entendu les intermédiaires d’assurance en vertu de l’article L. 561-2 du code monétaire et financier (CMF).

Selon l’article A. 310-7 du code des assurances, les intermédiaires dont le chiffre d’affaires annuel n’a pas dépassé 500 000 € au cours des cinq dernières années voient un allègement de leurs obligations sur trois points (gouvernance, classification des risques et profil de la relation d’affaires) ; les procédures et leurs mises en œuvre restent incontournables pour tous les professionnels.

Quatre éléments de ce sujet lourd et complexe peuvent être distingués.
 

L’approche par les risques

Le premier sujet porte sur l’approche par les risques.

Selon l’article L. 561-32 du CMF, les intermédiaires d’assurance mettent en place une organisation et des procédures internes pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, en tenant compte du volume et de la nature de leur activité ainsi que des risques présentés par les relations d’affaires qu’elles établissent. Ils déterminent un profil de la relation d’affaires permettant d’exercer une vigilance constante.

L’article A. 310-8 du code des assurances apportent des renseignements complémentaires : les entreprises se dotent d’un dispositif d’identification, d’évaluation, de gestion et de contrôle des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. L’évaluation des risques porte sur les différents produits ou services proposés, leur mode de commercialisation, la localisation ou les conditions particulières des opérations, ainsi que les caractéristiques de la clientèle mais aussi sur les activités de gestion des contrats, y compris celles qui ont été externalisées.

Selon l’article L. 561-9 du CMF, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 peuvent mettre en œuvre les dispositions des articles L. 561-5, L. 561-5-1 et L. 561-6 sous la forme de mesures de vigilance simplifiées lorsque les personnes, les services ou les produits présentent un faible risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme et il n’existe pas de soupçon de blanchiment ou de financement du terrorisme.

Le risque peut être qualifié et faible selon les critères énoncés à l’article R. 561-16 du CMF ; dans ce cas, la vigilance est allégée mais cependant ne disparaît pas surtout si la personne est une « personne politiquement exposée » (PPE, lire plus bas).

Enfin, et selon l’article L. 561-8 du CMF, lorsqu’une personne mentionnée à l’article L. 561-2 n’est pas en mesure de satisfaire aux obligations prévues à l’article L. 561-5 et à l’article L. 561-5-1, elle n’exécute aucune opération, quelles que soient les modalités, et n’établit ni ne poursuit aucune relation d’affaires. Si celle-ci a déjà été établie, elle y met un terme.
 

Le gel des avoirs

Dans le cadre de la pleine connaissance de ses clients et de la LCB-FT, le dispositif de gel des avoirs doit s’appliquer.

Selon l’article L. 562-4 du CMF, toute personne mentionnée à l’article L. 561-2 du CMF (dont les intermédiaires d’assurance), qui détient ou reçoit des fonds ou des ressources économiques pour le compte d’un client, est tenue d’appliquer sans délai les mesures de gel et les interdictions de mise à disposition ou d’utilisation et d’en informer immédiatement le ministre chargé de l’économie. L’ordonnance n° 2016-1575 du 24 novembre 2016 portant réforme du dispositif de gel des avoirs précise la nature de ces derniers et notamment le numéraire, les créances, les traites, les ordres de paiement, les dépôts de fonds et les fonds versés sur des contrats d’assurance. Il est interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet de contourner les mesures prises sur le gel des avoirs.

Le secret bancaire ou professionnel ne fait pas obstacle à l’échange d’informations entre les personnes et organismes et les services de l’Etat. L’Etat est responsable des conséquences dommageables de la mise en œuvre de bonne foi, par les personnes mentionnées à l’article L. 562-4 du CMF (dont les intermédiaires d’assurance), leurs dirigeants ou leurs préposés, des mesures de gel. Aucune sanction professionnelle ne peut être prononcée à l’encontre de ces personnes, de leurs dirigeants ou de leurs préposés.

La liste unique de gels de la Direction générale du Trésor (DGT) est consultable sous format Excel sur le site de la DGT.

L’UE met à disposition également les gels applicables européens et les gels issus des Nations Unies ; cette liste européenne ne contient pas les gels nationaux.
Un logiciel de filtrage est un outil efficace pour satisfaire à cette exigence. Il conviendra également de respecter les recommandations de la CNIL et notamment l’autorisation unique AU-003 et sa délibérations 2011-180 du 16 juin 2011.
 

Les personnes politiquement exposées

Le traitement particulier de la relation d’affaire avec des personnes politiquement exposées (PPE) est présenté dans la quatrième directive, notamment aux articles 3-9, 18, 20 et 22.

L’article L. 561-10 du CMF précise que les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 (dont les intermédiaires) appliquent des mesures de vigilance complémentaires à l’égard de leur client, en sus des mesures prévues aux articles L. 561-5 et L. 561-5-1, lorsque le client, le cas échéant son bénéficiaire effectif, le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation, le cas échéant son bénéficiaire effectif, est une personne qui est exposée à des risques particuliers en raison des fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives qu’elle exerce ou a exercées pour le compte d’un Etat ou de celles qu’exercent ou ont exercées des membres directs de sa famille ou des personnes connues pour lui être étroitement associées ou le devient en cours de relation d’affaires.

L’article R. 561-18 du CMF donne une liste des profils exposés. Le périmètre est en fait très large et parfois difficilement identifiable puisqu’il comprend au-delà des personnes exerçant des fonctions publiques nationales importantes ou dans des organisations internationales (périmètre 1), notamment le conjoint ou le concubin notoire, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, les ascendants, descendants et alliés, au premier degré, ainsi que leur conjoint, leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou par un contrat de partenariat enregistré en vertu d’une loi étrangère (périmètre 2) mais aussi toute personne physique identifiée comme étant le bénéficiaire effectif d’une personne morale conjointement avec ce client, toute personne physique connue comme entretenant des liens d’affaires étroits avec ce client (périmètre 3).

A ce stade, on peut rappeler qu’il faut concilier la nécessaire connaissance du client et les règles du règlement général de la protection des données (RGPD) qui exige de ne recueillir que les données strictement nécessaires aux objectifs du traitement.

La détections des PPE nationales et les PPE étrangères doit se faire aussi bien à l’entrée de la relation, avant chaque opération et périodiquement dans le cadre du contrôle permanent du portefeuille clients. Lorsque la personne est identifiée PPE, une vigilance doit être exercée sur toutes les opérations d’assurance.

Dans le cadre du renforcement de la vigilance, la décision de nouer une relation d’affaires avec une PPE ne peut être prise que par un membre de l’organe exécutif ou toute personne habilitée à cet effet par l’organe exécutif de l’intermédiaire d’assurance (article R. 561-20 du CMF).
 

Les bénéficiaires effectifs

Concernant la définition, l’article 3 de la quatrième directive précise que le bénéficiaire effectif est la personne physique qui, en dernier ressort, possède ou contrôle le client et/ou la personne physique pour laquelle une transaction est effectuée, ou une activité réalisée.

Dans le cas des sociétés, il s’agit de détenir, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote ou d’exercer un pouvoir de contrôle sur les organes de la société ou sur ses assemblées générales.

Il convient de distinguer deux périmètres :

  • Les obligations déclaratives pour les sociétés ;
  • Les conséquences pour les intermédiaires d’assurance sur les relations avec leurs clients personnes morales.

A la suite de la quatrième directive LCB-FT, la loi Sapin II oblige les sociétés civiles, commerciales et les GIE à renseigner le registre national annexé au registre de commerce et des sociétés (RCS) de l’identité des bénéficiaires effectifs ; le décret 2017-1094 du 12 juin 2017 précise les modalités relatives au registre des bénéficiaires effectifs.

Les informations collectées au sein de ce registre ne seront communiquées qu’à un nombre limité de personnes : Tracfin, ACPR, AMF, douanes, DGFIP, autorités judiciaires, les personnes assujetties à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme mentionnées à l’article L. 561-2 du CMF dont les intermédiaires d’assurance…
Les registres nationaux seront interconnectés via une plateforme centrale européenne.

En conséquence, les intermédiaires d’assurance vont définir, selon l’article A. 310-8 du code des assurances, des procédures écrites de maîtrise du risque de blanchiment comprenant les diligences à accomplir en matière d’identification du client et le cas échéant du bénéficiaire effectif. La connaissance du client, et du bénéficiaire effectif, doit être constante pendant toute la relation d’affaire.

La notion de bénéficiaire effectif est également mentionnée dans le cadre de la surveillance du périmètre élargi PPE selon l’article R. 561-18 du CMF mais aussi pour la vigilance complémentaire des contrats d’assurance-vie ou de capitalisation visée à l’article L. 561-10 du CMF.

L’article L. 561-5 du CMF rappelle de nouveau l’obligation d’identifier, avant d’entrer en relation et/ou pendant la réalisation d’une transaction, le client ou le bénéficiaire effectif ; le même article précise que lorsque le client souscrit ou adhère à un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation, les personnes concernées identifient et vérifient également l’identité des bénéficiaires effectifs de ces bénéficiaires.
 


Philippe Luttmann, Directeur Juridique, Fiscal et Conformité de PLANETE CSCA
et Nour Jonot, Juriste