Codes courtage

Le webzine de PLANETE CSCA

Accueil > Webzine > L'actualité du courtage > A la une > Le Brexit s’invite à l’Amrae

8 février 2017

Le Brexit s’invite à l’Amrae

Le 1er février 2017, la Chambre des communes britannique a donné son accord, à 498 voix contre 114, pour poursuivre le processus de sortie de l’Union européenne. Le projet de loi autorisant le recours à l’article 50 du Traité de Lisbonne pourra donc être étudié dès le mois de mars. Un large soutien des députés qui conforte la première ministre Theresa May dans sa position de fermeté face à l’UE. Mais qui ouvre un champ d’incertitudes, juridiques et économiques, pour les acteurs de la place financière, assureurs et courtiers en tête.
 

Nous y sommes. Passé le choc de l’annonce en 2016, le marché doit désormais s’y préparer : le Brexit devient réalité et entre dans sa phase concrète. Or, le réveil risque d’être brutal, tant la première ministre britannique Theresa May n’a pas caché sa farouche hostilité envers l’Union européenne et sa ferme volonté de ne pas accepter de compromis. « Pas d’accord pour la Grande-Bretagne serait mieux qu’un mauvais accord », a-t-elle répété le 17 janvier 2017…

De la City à Paris
Le processus politique s’étalera encore sur plusieurs mois, émaillé d’âpres négociations avec les représentants de l’Union européenne (au final, le projet d’accord de retrait pourrait être prêt pour l’automne 2018, avec une période de six mois pour le ratifier ; le Royaume-Uni pourrait ainsi quitter officiellement l’Union européenne au 1er janvier 2019). En attendant, nombre de courtiers, sociétés de conseil et assureurs admettaient, dans les coulisses des Rencontres de l’Amrae, leur très grande vigilance voire leurs inquiétudes sur les conséquences du Brexit. Un atelier de réflexion était même consacré à ce sujet. Il faut dire que les perspectives, à ce stade, ne sont guère encourageantes. Une étude publiée le 5 février 2017 indiquait même que 58% des dirigeants des entreprises cotées au FTSE 500 -la Bourse de Londres-, constataient déjà l’impact négatif du Brexit sur leurs affaires, alors même que le divorce n’est pas encore consommé avec l’UE… Ceci dit, le climat morose des affaires outre-Manche pourrait profiter à la place financière de Paris ; c’est en tout cas dans ce but qu’une délégation française (Valérie Pécresse ou encore le Président de Paris Europlace Gérard Mestrallet) s’est rendue dans la capitale britannique le 6 février 2017. L’ambition de certains serait que la place de Paris capte à terme 10 000 emplois de la City…

La place londonienne de l’assurance mobilisée
Dans l’immédiat, de nombreuses questions concrètes se posent aux assureurs, courtiers et autres acteurs financiers ayant des intérêts au Royaume-Uni. Parmi les principaux enjeux juridiques et contractuels du Brexit, figurent par exemple les clauses contractuelles des polices, existantes et futures (champ d’application géographique de la couverture, référence à l’UE et à la législation de l’UE, normes applicables de protection des consommateurs, renouvellement et fin de contrats…), la gestion de sinistres sur les polices existantes, le choix du droit applicable, les compétences des tribunaux et la reconnaissance des jugements, la protection des données personnelles ou encore la fiscalité… Autant dire une jungle juridique qui promet de beaux jours aux sociétés de conseil !
Face à ces problématiques, le London Market Group (LMG, qui représente les assureurs et réassureurs de la place londonienne) est passé de « l’incrédulité » (dixit Nicolas Aubert, qui dirige les activités de Willis Towers Watson en Grande Bretagne et est PDG de Willis Limited, principale entité britannique du Groupe Willis) à l’action. LMG intervient ainsi aussi bien auprès du gouvernement et du parlement britanniques que de la ville de Londres ou des autres groupements de professionnels. Au-delà du lobbying de place, plusieurs points importants sont à étudier pour les acteurs concernés, allant des aspects liés aux ressources humaines, aux relations contractuelles avec les intermédiaires (nouveaux risques, accès aux marchés, accords de transitions et clauses), les assureurs, les investissements…

Méthode Coué face au flou juridique

Les ténors du marché de Londres tentent en tout cas de rassurer leurs partenaires. « Clairement, la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne représente des défis pour les compagnies du marché de Londres et l’incertitude qui entoure la durée potentiellement longue du processus sera problématique pour nos prévisions. Cependant, notre industrie est habituée à s’adapter aux changements », déclare ainsi David Matcham, PDG d’International Underwriting Association.  « Alors que nos relations avec l’Europe et le marché unique ont clairement changé, le Lloyd’s et le marché londonien de l’assurance s’adapteront au nouvel environnement une fois que le Royaume-Uni aura officiellement quitté l’Union », a elle aussi voulu rassurer Inga Beale, Présidente du Lloyd’s. Bref, pour Gaëlle Tortuyaux, Directrice générale d’Axa Corporate Solutions UK, le plan est « pas de panique ! » : face au Brexit, qui n’aura pas d’impact immédiat malgré toutes les incidences possibles sur les programmes internationaux, la supply chain, la concurrence, les dévaluations, les taxes ou encore la D&O, il convient surtout de réfléchir et planifier, en espérant qu’il y ait peut-être des mesures transitoires qui permettent un atterrissage en douceur pour tous…

Catherine Dufrêne

 

Les prochaines échéances

Une fois le projet de loi, et ses amendements, adoptés par la Chambre des communes, le texte sera examiné par la Chambre des Lords, qui peut y apporter des modifications significatives. La volonté des pro-Brexit est néanmoins d’aller vite. Alors que le Conseil européen se réunit les 9 et 10 mars, la Reine Elizabeth pourrait promulguer la Loi déclenchant le Brexit dès le 7 mars 2017. L’accord de sortie devra être conclu dans les deux ans par le Conseil au nom de l’Union, après vote du Parlement européen (Michel Barnier, négociateur pour la Commission européenne, évoque une période de 15 mois). Des négociations optionnelles sur un nouvel accord commercial avec l’UE pourraient avoir lieu durant cette période, mais ne pourra être finalisé avant la finalisation de l’accord de sortie.