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28 septembre 2017

La jurisprudence européenne en contradiction avec la doctrine française sur l’exonération de TVA pour les groupements de moyens

L’inquiétude que nous avions signalée, suite au premier arrêt CJUE du 4 mai 2017, s’est concrétisée avec les trois arrêts CJUE du 21 septembre (CE/RFA, DNB BANKA, AVIVA).
 

Le courtage est directement concerné
Dans le périmètre assurance et banque, mais ce sujet concerne aussi d’autres secteurs tels le médical et la culture, les cabinets de courtage qui mutualisent ou coopèrent à travers des groupements de fait ou de droit, dans le cadre d’un groupe possédant des liens capitalistiques ou simplement avec des tiers, sont directement concernés par ces importantes décisions.
Sur le plan du droit fiscal, la TVA assure en principe une neutralité de cette taxation pour les professionnels.
En revanche, du fait de l’article 261 C 2 du CGI exonérant les opérations d’assurance réalisées par les assureurs et les intermédiaires, les cabinets de courtage sont privés du droit à récupération, à l’exception d’un prorata de récupération variable suivant l’activité des cabinets ; la TVA qui est facturée au cabinet représente donc une charge complémentaire.
Pour réduire les frottements TVA, on parle souvent de rémanence, les mutualisations de prestations de services pouvaient s’opérer par des remboursements de frais exonérés de TVA en vertu de l’article 261 B du CGI, au sein d’un groupement de droit, comme un GIE, ou dans le cadre d’un groupement de fait.
 
La décision du juge communautaire
Dans les décisions des 4 mai et 21 septembre 2017, la CJUE a examiné l’articulation des articles de la directive TVA 2006/112 du 28 novembre 2006 qui fixe les règles dans ce domaine.
La solution exprimée est simple ; l’exonération prévue à l’article 132.1.f de la directive ne concerne que les groupements autonomes de personnes dont les membres exercent une activité d’intérêt général (sécurité sociale par exemple), et l’assurance et le secteur financier ne relèvent pas d’une activité d’intérêt général.
Et la conclusion est également claire ; ces décisions rendent la doctrine administrative française contraire au droit communautaire.
Selon nos informations, seuls trois pays sur vingt-huit sont concernés du fait d’une transposition ne portant que sur le régime des groupements de moyens.
 
Les conséquences immédiates
Ayant conscience des conséquences concrètes et financières de ces décisions, le juge communautaire prend soin de préciser que le juge national doit se référer au contenu de la directive mais dans les limites des principes généraux du droit, notamment dans ceux de sécurité juridique et de non-rétroactivité.
Il précise également que les autorités nationales ne peuvent pas rouvrir des périodes fiscales définitivement clôturées.
S’agissant des périodes fiscales non encore définitivement clôturées, une directive ne peut, par elle-même, créer des obligations à l’égard d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre. Toute chose égale par ailleurs, les autorités nationales ne sauraient invoquer cette jurisprudence pour refuser l’exonération de TVA sur les prestations de services effectuées par ces groupements.
La doctrine fiscale française actuelle restant opposable aux contribuables, jusqu’à un éventuel changement, aucun redressement ne devrait être effectué sur cette base juridique.
 
Les perspectives

Restant l’un des rares pays à avoir transposé le seul régime de groupement de moyens, il est difficile d’imaginer la situation demeurer en l’état sur une longue période.
De même l’abrogation de la doctrine fiscale française actuelle, en supprimant de fait toute possibilité de mutualisation hors TVA pour nos secteurs, ne semble pas envisageable compte tenu de la concurrence internationale en matière fiscale, notamment pour les nouvelles implantations en France liées au Brexit.
Une hypothèse de travail réside dans la rédaction d’une nouvelle directive ou l’aménagement de l’actuelle directive reprenant la solution de la doctrine française sous forme d’extension du périmètre d’éligibilité ; dans ce cas il faudra prendre en compte les délais nécessaires aux discussions et les éventuelles réticences d’autres états membres.
Le régime des groupes TVA prévu à l’article 11 de la directive est une solution pour les groupements qui ne relèvent pas aujourd’hui des secteurs limitativement indiqués par la CJUE.
Dans ce cas, de nombreux points techniques devront être discutés comme par exemple les seuils d’éligibilité, la territorialité ou le degré de souplesse nécessaire pour la constitution des périmètres dans le cadre des partenariats.
Pour pallier aux incertitudes légitimes des multiples acteurs concernés et aux importants enjeux financiers, de nombreux échanges seront indispensables pour construire une ou des solutions alternatives.

Philippe Luttmann, 
Directeur Juridique, Fiscal et Conformité de PLANETE CSCA