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8 décembre 2020

« Les complémentaires santé doivent monter au plus vite dans le train de l’Espace numérique de santé »

Alix Pradère, associée et co-fondatrice du cabinet conseil en stratégie santé Opusline, désormais au sein du groupe Accenture, qui intervient auprès de la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie) mais aussi de complémentaires santé ou encore de laboratoires pharmaceutiques, estime que les complémentaires santé doivent rapidement se  ‘’saisir’’ de l’Espace numérique de santé (ENS).

Codes Courtage : Quels sont les enjeux de l’Espace numérique de santé pour les complémentaires santé ? 

Alix Pradère : Si les complémentaires santé n’ont pas été impliquées dans la conception globale de l’Espace numérique de santé parce que ce rôle est dévolu aux pouvoirs publics après le vote du Parlement, il est essentiel qu’elles prennent au plus vite le train en marche en vue de démontrer leur capacité à répondre aux besoins des assurés et, plus largement, des usagers du système de santé. A ce jour, peu d’organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam) ont engagé ce travail. Pourtant, déjà 10 millions de Français ont ouvert un dossier médical partagé (DMP) qui est une des composantes de l’Espace numérique de santé.

C.C. : Comment fonctionnera l’Espace numérique de santé ?

A.P. : L’Espace numérique de santé va créer un cadre de confiance hyper sécurisé pour chaque usager du système de santé et il sera pleinement opérationnel à partir de début 2022. Instauré par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, l’Espace numérique de santé est destiné à chaque citoyen-usager du système de santé pour recueillir l’ensemble des informations relatives à la santé, tant administratives que médicales, et mettre à disposition des services numériques de santé sur le store de l’ENS. Ce sera un accès unique pour toutes ses informations de santé. Il appartient à l’usager mais est aussi conçu comme un lieu d’échanges entre le patient et les professionnels de santé puisqu’il permet de disposer d’un service de prise de rendez-vous et d’une messagerie sécurisée afin d’échanger avec son médecin. Dès son ouverture, des applications numériques de santé, labellisées par l’Assurance maladie, seront proposées. Elles se développeront au fur et à mesure de l’enrichissement de l’offre des fournisseurs de services. Elles viendront s’implémenter sur le store de cet espace et il est prévu que les complémentaires santé puissent venir y proposer leurs applications. A partir de là, une interopérabilité entre acteurs concourant aux parcours de santé sera possible, ouvrant un large champ d’articulations potentielles facilitant les coordinations entre acteurs de la santé, Au préalable, il y a tout un travail technique à engager de la part des complémentaires santé en adaptant leurs outils au cadre technique défini. Il y a aussi toute une réflexion à mener sur les services à proposer qui sont susceptibles de générer de l’usage grâce au bénéfice perçu par l’usager et par son médecin. Celui-ci pourra en effet recommander à son patient certaines applications accessibles via l’ENS.

  1. : De quelle manière les complémentaires santé pourraient-elle s’organiser pour venir loger leurs applications dans l’Espace numérique de santé ?

A.P. : Dans un premier temps, chaque Ocam doit faire l’inventaire des applications à mettre à la disposition des assurés sur l’Espace numérique de santé, dans le cadre des services (santé, prévoyance, bien-être au travail, etc.) qu’elle propose et identifier la mise à niveau technique nécessaire. Dans un deuxième temps, elle devra orienter sa stratégie pour prendre en compte tout le potentiel de l’Espace numérique da santé. C’est un enjeu stratégique pour l’ensemble des complémentaires santé.

  1. : Au chapitre du numérique, où en sont les complémentaires santé aujourd’hui ?

A.P. : Elles ont énormément travaillé au développement de leurs outils numériques, la difficulté étant de les relier à leur système de gestion. Il reste difficile d’absorber la complexité de leur métier qui s’accentue au fil des réformes, comme avec le 100 % Santé. D’un côté, il est nécessaire de simplifier à l’extrême leur fonctionnement pour qu’il soit compréhensible par tous. De l’autre, elles doivent se conformer à un cadre réglementaire très complexe. Cette complexité explique pourquoi leur modèle n’a pas, à ce jour, été fondamentalement remis en cause par des start-up innovantes.

  1. : La crise sanitaire a-t-elle accéléré le développement du numérique auprès des Ocam ?

A.P. : Intervenue à un moment où les Ocam avaient déjà bien engagé le virage vers le numérique, la crise du Covid-19 priorise encore davantage la dématérialisation des échanges dans la relation client. Ces circonstances les poussent à passer de la réactivité à la proactivité en allant vers les assurés à l’écoute de leurs besoins. Chaque occasion de contact avec l’assuré doit être pour une complémentaire santé l’occasion de rappeler l’ensemble de son offre de services projetant l’assurance dans l’univers de l’attention.

  1. : Après l’avènement de la téléconsultation due à la crise sanitaire, quelle direction peuvent prendre les complémentaires santé ?

A.P. : Il ne faut pas oublier que le premier acteur à avoir déployé à grande échelle la téléconsultation en France est Axa, suivi ensuite par les autres Ocam avant que l’Assurance maladie n’en définisse le cadre. Les pouvoirs publics comme les autres Ocam ont suivi. De cet acte simple désormais intégré à leur offre de services, les complémentaires santé doivent aller vers des propositions numériques plus riches et intégrées au parcours de santé. Cela suppose l’interopérabilité avec les autres acteurs qui y concourent. Une possibilité offerte par l’Espace numérique de santé qui recèle un fort potentiel en termes de propositions de services à l’assuré. Au-delà des aspects techniques, l’ENS est une promesse qui reste à réaliser. Les complémentaires peuvent en être des acteurs particulièrement actifs pour lui donner du sens et générer des usages au bénéfice des usagers du système de santé.

Propos recueillis par Geneviève Allaire