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9 octobre 2020

« Avec la réduction de l’activité, la nature du risque évolue »

Alors que la crise de la Covid 19 touche particulièrement le transport aérien, Christophe Graber, président de Réunion Aérienne et Spatiale, analyse la situation de l’assurance sur les quatre segments pratiqués par ce porteur de risques (compagnies aériennes, constructeurs et aéroports, aviation générale, spatial).

Codes Courtage : Les compagnies aériennes pâtissent fortement de la crise du covid 19 car elle a considérablement réduit la demande de transport aérien, voire elle a cloué les avions au sol. A quel niveau évaluez-vous leur perte d’activité ?

Christophe Graber : Selon les zones du monde, elle se situe de – 30 % à – 80 % à partir de mars. L’activité a repris cet été mais baisse à nouveau depuis septembre. Pour 2020, nous évaluons en moyenne entre – 40 % et – 50 % la perte d’activité des compagnies aériennes. Concernant les aéroports, la perte d’activité se situera au moins à – 25 % chez les clients de notre portefeuille. En revanche, les jets privés et les vols cargo (transport de marchandises) ont tourné et l’activité en cours va se dérouler en 2020 chez les constructeurs. Ce n’est qu’en 2021 ou 2022 qu’ils ressentiront les effets de la crise, lorsque les carnets de commande peineront à se remplir.

C.C. : Où en sont les capacités dans l’assurance de l’aérien?

C.G. : Sur les quatre segments pratiqués par Réunion Aérienne et Spatiale, les capacités étaient excédentaires. Aujourd’hui, sur la base d’un constat statistique unanime produisant des pertes récurrentes pour les assureurs, l’ensemble des acteurs a été amené à redresser les tarifs de manière significative. Nous pourrions nous approcher du seuil de basculement entre surcapacités et sous-capacités. Sur le spatial, le retrait de Swiss Re Corporate Solutions en assurance direct a démontré aux courtiers qu’il était nécessaire de pratiquer des niveaux tarifaires corrects afin qu’un nombre suffisant d’assureurs se maintiennent et qu’ils soient en mesure de mettre les acteurs en concurrence. Si les niveaux tarifaires sont trop bas, il n’y aura plus de porteurs de risques pour l’aviation et le spatial. Par ailleurs, la place de Paris est très active sur le marché des assurances de spécialités. Il est essentiel de conserver cette place car elle permet aux intermédiaires et à leurs clients de compenser les hauts et les bas du marché des Lloyd’s.

C.C. : Qu’en est-il du volet assurance pour les compagnies aériennes ?

C.G. : Les contrats prévoient des clauses d’ajustement en fonction de l’activité et les assureurs vont rendre à due proportion une partie de la prime en raison de la réduction d’activité. Contrairement à d’autres segments de l’assurance, les contrats étaient clairement rédigés, sans zone d’ombre. De manière marginale, il y a quelques dossiers de voyageurs potentiellement contaminés en vol par le covid 19 à traiter.

C.C. : Quelles sont les évolutions en matière de risques de l’aviation, ces derniers mois ?

C.G. : Avec la réduction de l’activité, la nature du risque a évolué. Notre défi consiste à bien évaluer ces changements. Comme les vols sont moins nombreux, les risques inhérents au transport des passagers diminuent. En revanche, il n’y a jamais eu une telle accumulation d’aéronefs au sol garés les uns à côté des autres qui  peuvent subir des dommages suite à un événement naturel ou un incendie. Un autre risque apparu est celui de la remise en opération. Il nécessite une attention particulière. En mai dernier, un avion s’est écrasé au Pakistan alors qu’il était en train d’atterrir, faisant 97 victimes. L’équipage n’avait pas volé depuis longtemps.

C.C. : Comment se profile l’avenir pour l’assurance de l’aviation ?

C.G. : Avec la hausse des vols et des voyageurs, le marché de l’aviation était en pleine croissance. La crise du covid 19 a marqué un coût d’arrêt. L’activité a très fortement diminué dans l’industrie aéronautique avec, pour corollaire, un marché de l’assurance qui se réduit. En outre, on pointe de plus en plus le caractère polluant du transport aérien, une vision un peu théorique et souvent dogmatique qui aura toutefois des conséquences importantes sur le secteur. Le transport aérien devrait voir son activité réduite sur trois à cinq ans. Le marché de l’assurance devrait se redimensionner et les capacités connexes qui ne sont pas au cœur de cette branche pourraient avoir tendance à se rétracter, voire à disparaître.

C.C. : Quels sont les changements intervenus au 1er janvier 2020 dans la détention du capital de Réunion Aérienne et Spatiale ?

C.G. : Réunion Aérienne et Spatiale souhaitait diversifier les membres assureurs nous apportant la capacité de souscription. En effet, un lissage du  risque se concrétisant par une répartition des parts entre un plus grand nombre d’assureurs permet de mieux encaisser les chocs. Scor a souhaité retrouver sa position de réassureur et s’est retiré de la capacité de souscription directe. Helvetia qui détenait 12 % de la capacité de Réunion Aérienne et Spatiale a porté sa participation à 20 %  et SMA-BTP est entré à hauteur de 10 %.

Propos recueillis par Geneviève Allaire