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« Face au déficit, la solution n’est pas la taxe, mais la coopération entre Sécurité sociale et assureurs »

Tribune de Jean-François Cousin, Président de PLANETE CSCA et Jean-Marc Esvant, Vice-président en charge des assurances de personnes de PLANETE CSCA ; publiée le vendredi 31 octobre dans la rubrique Idées des Échos.


03 / 11 / 2025


La protection sociale française demeure un pilier de solidarité nationale. Pourtant, son équilibre est aujourd’hui fragilisé par une trajectoire budgétaire intenable.

Le déficit de la Sécurité sociale pourrait dépasser les 23 milliards d’euros en 2025, un niveau qui impose une réflexion urgente sur le financement de notre système.

Alors que s’ouvrent à l’Assemblée nationale les débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS)pour 2026, la question de la soutenabilité de notre modèle est critique. La récente note du Conseil d’analyse économique (octobre 2025) rappelle, à juste titre, que la France doit impérativement relever le défi de la « stabilisation de sa dette publique, dans un contexte de faible croissance et de dépenses sociales dynamiques ».

Si la Sécurité sociale reste le cœur du modèle français, elle n’agit pas seule. Le système repose sur un écosystème coordonné entre régimes obligatoires et dispositifs complémentaires (santé, prévoyance, retraite). Or c’est précisément cette coordination qui fait défaut.

La nouvelle fiscalité des complémentaires est un impôt caché

Face à la contrainte budgétaire, la tentation est grande de faire porter aux régimes complémentaires et aux entreprises le poids de la consolidation des comptes publics. C’est la tendance alarmante qui se dégage du PLFSS 2026, avec de nouvelles contributions visant les dispositifs de protection sociale complémentaire.

Ces contributions et taxes ne sont rien d’autre qu’un impôt indirect et détourné qui pèse doublement sur l’économie :

  • Elles renchérissent le coût des couvertures pour les ménages et les salariés. Les taxes pèsent déjà près de 15 % des primes payées par les assurés.
  • Elles augmentent indirectement le coût du travail pour les entreprises, qui sont les principales contributrices aux régimes collectifs de leurs salariés.

Les frontières entre régimes sont floues, les dispositifs se superposent et les démarches pour les assurés se complexifient. Sans coordination claire avec le régime obligatoire, ces efforts restent vains. La cohérence du système dépend de la capacité des acteurs à agir ensemble.

L’urgence de la prévention pour le maintien de l’emploi

Les défis de santé publique exigent une approche globale. Plus de la moitié des dépenses de santé sont liées à des maladies chroniques, sur lesquelles la prévention a des effets reconnus. Pourtant, près d’un Français sur trois renonce encore à certains soins.

Dans le même temps, le montant des indemnités journalières versées par l’Assurance maladie a progressé de 27,9 % entre 2019 et 2023. Cette hausse durable des arrêts de travail est un double problème : c’est un coût pour la collectivité et un frein à la productivité et à la compétitivité de nos entreprises, notamment les PME.

Les courtiers d’assurances, experts du conseil aux entreprises et de la protection sociale, sont des acteurs de terrain majeurs.

Au sein des entreprises, ils construisent et déploient des régimes collectifs performants qui associent couverture des risques, prise en charge des soins et surtout prévention active pour le maintien dans l’emploi. Ces programmes (bilans de santé, dépistages, accompagnement nutritionnel, santé mentale) ont démontré leur efficacité.

Travailler ensemble à la prévention et à l’accès aux soins permet d’améliorer l’état de santé de la population, tout en modérant le nombre et la durée des arrêts de travail.

Un appel à une gouvernance de la clarté et de la stabilité

Nous soutenons pleinement la proposition de loi relative à la fraude en matière de santé, visant à renforcer la transparence, la traçabilité et la coopération. Les courtiers, au contact quotidien des assurés et des entreprises, disposent d’une expertise précieuse pour sécuriser les dispositifs.

Ainsi nous appelons à une gouvernance appuyée sur la concertation et la clarté des rôles, qui doit éviter les redondances et de mutualiser les efforts de prévention.

Dans le même esprit, nous appelons à la conclusion d’un Accord National Interprofessionnel (ANI) en matière de prévoyance. Un tel cadre, clair et partagé, permettrait de renforcer la couverture des risques lourds et garantir à chaque salarié une protection adaptée à sa profession.

La protection sociale de demain doit reposer sur une relation équilibrée et cohérente entre les différents opérateurs :

  • La Sécurité sociale, garante du socle universel ;
  • Les assureurs, porteurs de mutualisation, de solidité financière et d’innovation ;
  • Les entreprises et leurs conseils, acteurs de terrain, au plus près des besoins réels des salariés.

L’attachement des Français à leur modèle de solidarité est profond. Pour le préserver et le moderniser sans le dénaturer, nous devons retrouver le cap collectif.

Nous partageons avec les pouvoirs publics un objectif commun : améliorer la santé des Français et garantir l’accès aux soins pour tous. Mais l’empilement de normes et la multiplication des taxes risquent d’affaiblir ceux qui agissent concrètement sur le terrain.

Nous appelons à une modération normative et fiscale, et à une concertation renforcée entre la Sécurité sociale et les différents acteurs associés ou payeurs de la protection sociale. Ce projet collectif doit reposer sur la clarté, la stabilité et la confiance.

Les entreprises, leurs courtiers et les assureurs sont prêts à s’engager aux côtés de la Sécurité sociale pour bâtir un modèle de solidarité active, préventive et durable.

C’est à cette seule condition que nous pourrons redonner du souffle à notre modèle de solidarité et offrir à chaque Français une protection qui protège pleinement.


Jean-François Cousin est dirigeant du cabinet Assurances Cousin, implanté dans le Pas-de-Calais. Fort de plus de 30 ans d’expérience dans le courtage d’assurances, il accompagne les particuliers, les travailleurs non-salariés (TNS), les professionnels et les petites entreprises dans la protection de leurs biens, de leurs responsabilités et de leurs personnes. Professionnel engagé, il est Président de PLANETE CSCA depuis juin 2025, après avoir exercé les fonctions de Président délégué de 2024 à 2025, et de Président du collège PLANETE CSCA Nord de 2019 à 2025.

Jean-Marc Esvant est Directeur Général Adjoint de Verlingue, Membre du Comité de Mission de SANTECLAIR (entreprise à mission), Vice-Président PLANETE CSCA en charge des assurances de personnes. Diplômé de l’IGR-IAE de Rennes, il travaille depuis plus de trente ans dans le domaine la protection sociale. Après plus de dix ans au sein de groupes paritaires de Retraite et Prévoyance, il a rejoint le courtier Verlingue en 2005.