Codes courtage

Le webzine de PLANETE CSCA

Accueil > Webzine > L'actualité du courtage > Décryptages > Innovation > Se mobiliser pour l’entrepreneuriat féminin

17 mai 2021

Se mobiliser pour l’entrepreneuriat féminin

Sandrine YANA est co-fondatrice et dirigeante du cabinet de courtage GALILEO Courtage. Depuis peu, elle s’est lancée bénévolement dans l’accompagnement des start-ups via l’IE CLUB, en s’engageant plus particulièrement pour l’entrepreneuriat féminin. Codes Courtage lui a demandé pourquoi et comment.

 

Vous êtes aujourd’hui Vice-Président de l’IE CLUB[1], d’où vient cet engagement ?

Ma première rencontre avec l’IE CLUB* s’est faite il y a 3 ans par l’intermédiaire de Bernard HAURIE, Président de cette association et membre de mon réseau amical.

J’ai trouvé cette association dynamique, les évènements tels que les Trophées de l’innovation (GIE) très bien organisés, et un écosystème de startups d’une grande richesse. J’aime le monde des entrepreneurs, leur créativité, leur idéalisme et leur capacité à prendre des risques. Leur vision est éloignée du monde des grandes entreprises, dont je viens.

D’abord membre de l’IE CLUB en tant que startup, GALILEO COURTAGE est devenu partenaire. Puis Angeline, ma collaboratrice, est entrée au Comex, et je suis devenue vice-présidente.

 

Pourquoi vous être intéressée à l’entrepreneuriat féminin ?

Laurent GARRET, Président de Neuflize OBC allait devenir président de l’IE CLUB, et Bernard HAURIE m’avait parlé de son engagement et de ses convictions en matière de parité et d’entrepreneuriat féminin.

J’ai pour ma part toujours eu une sensibilité particulière pour les questions d’égalité hommes/femmes et les combats féministes. Sans doute grâce à ma mère, une femme d’exception, qui est partie de rien pour arriver au sommet comme membre du comité exécutif et directrice du Pôle assurance de La Banque Postale. Elle demeure un modèle pour moi bien sûr, et pour d’autres femmes qui se demandent encore si on peut faire une belle carrière tout en conservant ses valeurs et en conciliant vie pro/vie perso.

Des femmes inspirantes comme Simone Weil, Simone de Beauvoir ou Georges Sand ont bercé mon adolescence. Je cultive aussi un intérêt tout particulier pour les reines ou régentes qui ont marqué l’histoire de France ou d’ailleurs, comme Blanche de Castille, Elisabeth 1er ou Catherine II de Russie. Dans les moments de doute, ces parcours de femme m’apaisent et me stimulent.

En matière d’entrepreneuriat, j’ai toujours été affligée de voir que, dans le domaine de l’assurance au sens large (y compris l’Insurtech), nous sommes si peu nombreuses à entreprendre et à diriger, alors que nous sommes surreprésentées en tant que salariées (presque 70% de femme dans le courtage d’assurance et seulement 15% à la tête d’un cabinet de courtage).

J’ai eu également la chance de croiser le chemin de Lucille DESJONQUERES, présidente du réseau de femmes International Women Forum, dont je suis devenue membre en mai 2020. J’y ai découvert des femmes incroyables, dirigeantes, entrepreneures, artistes ou sportives. Ce qui les réunissaient : l’envie furieuse de changer la société, de la rendre plus égalitaire pour faire enfin de la parité une réalité. Elles (comme ma mère d’ailleurs) avaient souvent dû lever des obstacles et soulever des montagnes pour gravir les échelons et suivre leurs ambitions. « La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente. » Personne n’a mieux résumé que Françoise Giroud la question de l’inégalité dans le milieu professionnel.

 

Quels sont les freins identifiés qui expliquent le déséquilibre entre le nombre d’hommes et de femmes qui se lancent dans l’aventure entrepreneuriale ?

Nous sommes partis de l’étude réalisée par Neuflize OBC avec Asterès et intitulée « Entrepreneuriat féminin : comment lever les freins pour entreprendre ? »[2]. Elle a été publiée le 14 janvier et liste plusieurs types de freins :

 

  • Des freins à la création :

Les femmes entreprennent par nécessité. Contrairement aux hommes, les femmes se lancent encore trop souvent dans la création d’entreprise par réaction à des situations incontournables ou négatives : la subsistance du foyer, une situation de chômage, des pratiques discriminatoires en entreprise, un désir d’autonomie lié au plafond de verre du salariat …

Elles ont une forme d’aversion aux risques, qui peut s’expliquer par un manque de confiance en elles, la crainte de ne pas concilier vie familiale et vie professionnelle, l’absence de soutien affectif et économique du conjoint, …

Elles éprouvent des difficultés à se projeter par un déficit encore trop grand de rôles modèles féminins.

 

  • Des freins à la levée de fonds et à la réussite de l’entrepreneure :

 Des déterminismes sectoriels et discriminations salariales. C’est un fait : les femmes préfèrent faire des études supérieures dans le social, le paramédical et les sciences humaines, plutôt que dans la Tech et les sciences de l’ingénieur, secteurs où se jouent pourtant l’avenir de l’humanité et la place des femmes dans les lieux de pouvoir. Par ailleurs, toutes les études montrent qu’elle se lancent dans l’entrepreneuriat avec moins d’expérience que les hommes à des postes de direction et moins de réseaux. Enfin, la différence de salaire leur confère des revenus plus limités pour créer leur entreprise.

Les préjugés et stéréotypes de genre. Ils ont la vie dure, aux hommes étant encore associés des items comme le potentiel de gains, de vision stratégique et d’ambition, aux femmes, des items moins flatteurs comme les pertes financières. Ils pensent aussi encore majoritairement qu’elles donneront la priorité à leur vie familiale au détriment de leur job.

Des projets moins ambitieux. Dans l’ensemble, les projets et business plans montés par les femmes sont plus modestes et présentent une croissance plus lente que ceux des hommes. Ils sont dans la majorité des cas, locaux et à visée sociale. Quand on sait que les investisseurs sont attirés par les secteurs de Tech et, le plus souvent, à la recherche de profits rapides, on se pince.

Le syndrome d’imposture.  « Ma place de femme est-elle vraiment là ? Ne serais-je pas plus utile, voire meilleure, ailleurs ? » « Ailleurs » signifiant souvent, inconsciemment, « à la maison avec mes enfants ». Combien de femmes, moi la première, connaissent ce sentiment de ne pas mériter leur poste ou de ne pas être à la hauteur !

Si on est fière d’avoir osé aller de l’avant –« Les femmes étant aussi ambitieuses que les hommes », on ne s’autorise pas toujours à être là où on veut être lorsqu’il s’agit de notre carrière. Comme si on attendait encore de je ne sais qui, plus légitime, une permission.

 L’homophile. Les fonds, composés à 90% d’hommes sortant des mêmes écoles, ont tendance à investir dans des dirigeants qui leur ressemblent.

Pour toutes ces raisons, il est nécessaire d’agir très en amont auprès des femmes, qu’elles disposent de rôle modèles suffisamment nombreux pour se projeter dans un projet entrepreneurial ambitieux, qu’elles soient suffisamment représentées dans les métiers d’avenir et de pouvoir, comme la Tech, enfin qu’elles pénètrent davantage les sociétés de capital-risque.

 

Comment, une fois les freins levés, les femmes réussissent-elles dans leur projet ?

 L’étude menée par Neuflize OBC et Astères démontre qu’une fois passée la levée de fonds, les entrepreneures surperforment et obtiennent des résultats en moyenne meilleurs que leurs collègues entrepreneurs ayant eux-mêmes levés des fonds, y compris d’ailleurs dans des secteurs considérés comme masculins (C. Hebert, Mai 2019 – Mind the Gap: Gender stereotypes and entrepreneur financing). La surperformance de ces femmes entrepreneures pourrait s’expliquer par la puissante sélection réalisée en amont.

Cette étude s’est également intéressée au cas précis des femmes entrepreneures qui assumaient être en quête d’une forte croissance. D’une part, les similitudes entre créateurs et créatrices qui cherchent une croissance élevée sont plus fortes que leurs différences. D’autre part, les modes de management et la vision de la croissance diffèrent. Les femmes entrepreneures à succès insistent sur le travail d’équipe, la transparence des relations, l’intérêt pour les ressources humaines. Et surtout, ces femmes entrepreneures et ambitieuses disposent d’une vision spécifique de la croissance, qu’elles inscrivent dans une réussite pro et perso globale.

De manière générale, et toutes les études le prouvent, la mixité hommes-femmes demeure le meilleur vecteur de performances et de croissance pour l’entreprise, pour autant qu’elle soit promue à tous les niveaux de l’entreprise.

 

Quels sont les types d’accompagnement qui pourraient aider spécifiquement les porteuses de projets à passer à l’action ?

Au regard de l’état des lieux sur l’entrepreneuriat féminin, l’IE CLUB propose des actions et services autour de deux axes :

  • Donner plus de visibilité aux femmes entrepreneures, valoriser l’écosystème de startups féminines dans toute sa diversité : made in France, tech, environnement, commerce… A cet égard, les Trophées de l’Entrepreneuriat féminin organisés le 30 septembre prochain est un beau tremplin. Nous disposons de sponsors de renom, de prix financiers, et la médiatisation sera forte, notamment via une campagne de communication sur les réseaux sociaux et une couverture de l’évènement le jour J.

 

  • Accompagner les femmes entrepreneures dans leur développement

Nous proposons du mentoring et du conseil : en stratégie de financement, de développement (y compris à l’international), de communication… Nous avons monté une commission d’experts, composée de membres de l’IE CLUB, et de professionnels sur chacun de ces domaines.

De plus, nos expertes bénévoles s’engagent pour réaliser des actions spécifiques et personnalisées :

  • coaching spécifique de préparation à une levée de fonds/prise de parole stratégique, marketing de soi,
  • audit gratuit des risques et des couvertures d’assurance de la startup,
  • brand flash diagnostic – Audit d’évaluation de maturité, recommandations marketing,

Nous mettons tout en œuvre pour faire grandir l’écosystème des start-ups dirigées ou co-dirigées par des femmes, en les accompagnant dans les moments-clés de leur projet. Tous les entrepreneur(e)s, ont besoin de soutien, mais les femmes plus particulièrement, pour accéder au financement et prendre la place qu’elles rêvent ou ambitionnent de prendre.

 

Propos recueillis par Céline MESLIER

 

[1] (*) L’IE CLUB est depuis plus de 20 ans le lieu privilégié de rencontre des startups/TPE/PME avec les autres grands acteurs de l’écosystème de l’innovation (Investisseurs, Grands groupes, ETI …). Elle valorise les expériences réussies des entrepreneur(e)s à travers des actions ciblées (Trophées, Entrepreneuriat féminin, Funding event, After works…) et permet aux sociétés innovantes de développer leurs réseaux et de rencontrer des investisseurs pour les financer.

 

[2] Etude Neuflize OBC et Asterès sur l’Entrepreneuriat féminin – Banque privee Neuflize OBC