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2 juin 2020

Pertes d’exploitation : les juges tranchent pour l’inclusion du risque pandémique

Le 22 mai, une ordonnance de référé du Tribunal de commerce de Paris a condamné Axa France dans le cadre de l’affaire relative à l’indemnisation des pertes d’exploitations qui oppose la compagnie d’assurance au restaurateur parisien Maison Rostang.

Le Tribunal de commerce a ordonné le versement d’une provision de 45 000 € par Axa France  à la Maison Rostang au titre de l’indemnisation du préjudice constitué par les pertes d’exploitation résultant de la fermeture administrative de l’un de ses restaurants jusqu’au 31 mai. A la demande de la Maison Rostang, un expert judiciaire a été désigné. Il sera chargé d’évaluer la perte de marge brute subie par le restaurant et les frais supplémentaires d’exploitation sur la période d’indemnisation. En fonction des dires de l’expert, une seconde ordonnance déterminera le montant de la provision complémentaire qu’Axa devra verser à l’entreprise de restauration.

Fortement médiatisée, cette affaire trouve son origine dans le refus d’Axa d’indemniser la Maison Rostang au titre des pertes d’exploitation résultant de la fermeture administrative de l’un de ses restaurants suite à l’arrêté du 14 mars 2020. Dans son article 1, ce texte indique que les établissements qui accueillaient du public, y compris les restaurants, ne pouvaient plus le faire afin de lutter contre la propagation de covid 19. Selon l’ordonnance rendue le 22 mai, Axa demandait à titre subsidiaire au tribunal de « juger que le risque relatif aux pertes d’exploitation consécutives à une pandémie est inassurable, en l’état, par un mécanisme d’assurance privée », une demande rejetée par les juges. Ces derniers estiment en effet qu’ « il incombait […] à Axa d’exclure conventionnellement ce risque. Or, ce risque pandémique n’est pas exclu du contrat signé entre les parties ».

Dans son blog, Maître Alain Cohen-Boulakia, avocat au barreau de Montpellier, analyse l’impact de l’ordonnance du 22 mai : « Cette décision va évidemment ouvrir la voie à des demandes dindemnisation adressées aux compagnies d’assurance. En effet, cette décision applicable à un restaurateur l’est également pour les autres établissements concernés par l’interdiction d’accueillir du public visé par l’arrêté du 14 mars 2020, à savoir notamment les salles de spectacles, les bars, les bars d’hôtel, les salles de sport, etc ».

 Axa France a annoncé son intention de faire appel de la décision rendue par le juge des référés. La compagnie d’assurance indique que la très grande majorité de ses contrats couvrant des professionnels de la restauration, notamment le contrat standard, « ne peut entraîner la mise en jeu des garanties contractuelles » dans le cadre d’un « événement généralisé comme celui que nous vivons aujourd’hui ».  Elle ajoute que son portefeuille en pertes d’exploitation  comprend un peu plus de 200 contrats individuels et spécifiques qui comportent une garantie déclenchable dans le contexte actuel et qu’il est procédé à l’indemnisation de ces assurés.

Axa France relève le caractère provisoire de la décision : « Le désaccord sur l’interprétation de la clause Perte d’Exploitation du contrat de Monsieur Manigold [NDLR : le gérant de Maison Rostang] persiste, et fera l’objet d’un débat sur le fond qui n’a pas pu avoir lieu devant le juge des référés. Nous considérons en effet que les pertes résultant de l’interdiction d’accueillir du public ne sont pas garanties par le contrat examiné. Seul, un jugement tranchant le débat sur le fond pourra permettre d’aboutir à une interprétation sereine du contrat, raison pour laquelle Axa France va faire appel de la décision rendue […]. »

 

Geneviève Allaire

 

 

Le point de vue d’Hervé Massié, directeur général, Wazari Assurances

Codes Courtages : Quelles sont les conséquences potentielles du Jugement rendu le 22 mai par le Tribunal de Commerce de Paris pour le courtage d’assurances ?

Hervé Massié : Il convient de rester prudent sur l’analyse et l’interprétation de ce premier jugement et de bien comprendre les positions des parties. D’une part, nous avons, un professionnel de la restauration qui a souscrit un contrat qui n’exclut pas le « risque pandémie » et prétend légitimement à une indemnisation et, d’autre part, un assureur censé assurer et mutualiser des risques aléatoires.  Ce qui est certain, c’est que ce jugement va sans doute compliquer la distribution des contrats multirisques professionnels : les commerçants vont attacher une attention particulière aux garanties des risques couverts et, bien plus encore, à leurs exclusions.

Cela va remettre le courtage de proximité au centre de la distribution de ce type de contrat. Ces derniers sont les plus à même d’analyser les risques à assurer et d’engager leur devoir de conseil sur les contrats les mieux adaptés à destination des professionnels.