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1 avril 2022

La vision du courtage d’Olivier Wild

Olivier Wild, Président de l’AMRAE.

 

Quelle a été votre première rencontre avec le courtage d’assurances ?

Mon parcours professionnel est peu teinté par l’assurance puisque j’ai débuté ma carrière dans le conseil sur des sujets de gestion des risques et de développement durable, en Australie, pendant dix ans. J’effectuais des audits et contribuais à élaborer des stratégies d’entreprise sur ces thématiques.

Quand je suis rentré en France, en 2009, j’ai rejoint Veolia pour prendre la direction des Missions de l’Audit interne. Cette approche par les risques a constitué une bonne manière de découvrir le groupe pendant quatre ans. Présent dans 60 pays, Veolia exerçait ses métiers diversifiés autour de quatre divisions principales : Gestion des déchets, Eau, Énergie et Transport. J’ai ainsi développé une vision opérationnelle de terrain très utile pour réfléchir à des plans d’actions visant à rendre les activités plus résilientes.

En 2013, la transformation du groupe a entraîné la fusion de la gestion des risques avec la Direction des assurances. Cette approche m’a plu immédiatement, et elle me paraît pertinente. Elle s’appuie sur trois actions : renforcer les bonnes pratiques du risk management, travailler avec les directions opérationnelles pour mettre en œuvre la maîtrise du risque et discuter sur les possibilités de transfert au marché de l’assurance.

Veolia disposait déjà d’une captive en France, créée en 2004, et même si elle a pris de l’importance, sa stratégie n’a pas varié. Elle repose sur trois piliers : une rétention forte, une culture de la prévention avec des investissements et un pilotage du sujet, et le recours à des courtiers groupe pour tous les programmes. Plus de 90 % de nos installations sont couvertes via des courtiers.

Cette politique porte ses fruits : la culture du risque est présente dans toutes nos implantations. Une meilleure formation à la gestion des risques permet de prendre des décisions stratégiques éclairées, de maîtriser et contrôler l’exposition, tout simplement parce que les managers savent identifier et analyser la situation dans laquelle ils se trouvent.

Par exemple, nous avons pris conscience du risque Cyber au moment où le site de SONY a été attaqué, six ans en arrière.

Nos discussions ont eu lieu jusqu’au niveau du COMEX, avec l’approche combinée de la direction de la Sûreté et DSI. Nous avons intégré cet aléa dans notre cartographie dès cette période, et rapidement mis en place un comité Cyber sécurité réunissant entre autres les équipes Cyber sécurité, systèmes d’informations, mais aussi la finance et les opérations.

Ma rencontre avec les courtiers date ainsi de 2013, car ce monde m’était inconnu auparavant. J’ai appris à les connaître en tant qu’acteurs-clés dans la chaîne globale des risques. En 2015, nous avons lancé un appel d’offres sur nos principales branches, notamment Construction et RC-Dommage aux biens. Deux options étaient sur la table : répondre pour l’ensemble des branches ou par branche de risques. Instinctivement, je pensais que nous allions choisir un courtier unique, mais au fil des discussions, j’ai pu mesurer la vraie valeur ajoutée que pouvaient apporter des spécialistes sur chacune des branches.

Ainsi, nous pouvons aujourd’hui fixer le cap de la stratégie avec un courtier partenaire choisi, pour accompagner nos installations localement.

 

Que diriez-vous à un étudiant ou à un jeune professionnel pour le convaincre de considérer les métiers du courtage dans son parcours ?

Le courtage présente l’avantage d’être pluridisciplinaire et d’être en contact avec tous les acteurs. Quand on est courtier, on se doit d’être curieux, de s’informer sur de nombreux sujets avec des horizons de réflexion les plus longs possibles. Même s’il existe des spécialités sur des risques en particulier, comme dans le conseil, le courtage est le partenaire de son client. Il doit comprendre dans le détail le profil de risques de son client.

Un autre avantage du courtage réside dans la diversité d’expériences et de secteurs d’activités que recèlent les portefeuilles. Les courtiers sont ainsi organisés pour couvrir une large partie des risques d’entreprise. Au contact du terrain, ils exercent une veille prospective sur l’émergence de nouveaux aléas.

Les courtiers sont positionnés comme des apporteurs de solutions. Le bon professionnel est celui qui va réfléchir en dehors du cadre pour trouver

des alternatives innovantes. Ainsi, l’intermédiaire n’est pas seulement là pour faire du placement. Il connaît tout l’amont du transfert au marché

de l’assurance, et il est bien placé pour inciter l’entreprise à approfondir les sujets liés à la prévention, via un conseil avisé sur tous les maillons de la chaîne.

Enfin, il serait difficile de gérer le sinistre sans le courtier. Son expérience de ce type de situation lui donne une lecture, une analyse qui nous échappent en interne, même si nous sommes chez Veolia très structurés sur ce plan. Pour qui souhaite se rendre utile, rejoindre un cabinet de courtage pour participer concrètement à la gestion de sinistres peut devenir une réelle motivation, tout

comme le côté international de certaines activités. On ne gère pas un sinistre en Amérique du Nord comme en France, l’état d’esprit autour d’un litige n’est pas le même. Nous avons donc besoin de relais locaux pour gérer nos programmes partout dans le monde.

 

Que peut apporter le courtage au monde économique de demain ?

J’ai une pensée pour les courtiers dans un marché plus tendu que jamais : la situation est très difficile depuis 2019 et je n’anticipe pas de changement pour la période des renouvellements en 2022. Cela représente un beau challenge pour les plus jeunes qui n’avaient pas encore vécu de retournement du marché de l’assurance. Face à ce rattrapage accéléré, il semble nécessaire de revoir le modèle et de repenser le partage du risque. Le courtier doit encore mieux connaître son client et son exposition. Pour convaincre les assureurs dans un moment où il est difficile de mobiliser de la capacité, la seule voie possible réside dans la maîtrise de ses risques. Ainsi le courtier doit continuer à répondre présent, à monter en compétences pour comprendre le profil de risques de ses clients, afin de susciter l’appétit du marché.

Le courtier doit aussi accompagner les entreprises dans la création de leurs outils de rétention, et innover via de nouveaux modèles d’assurances, en explorant par exemple les possibilités offertes par le paramétrique, qui reste à développer. Il est le mieux placé pour jouer ce rôle et faire bouger les lignes.

Force est de constater que le courtier exécute aussi pour l’assureur une partie de la gestion administrative, surtout pour les assurances de masse : émission des cartes vertes en assurance-auto, gestion du parc de véhicules via un outil de pilotage, gestion de l’émission des polices. Ainsi, le courtier devient pourvoyeur de services. Pour aller au-delà, il pourrait innover encore pour faciliter le dialogue entre tous les acteurs, par exemple en mettant en place un outil qui permettrait de centraliser les réponses des clients aux questionnaires des assureurs, mieux encore, convenir d’un seul et unique questionnaire. On pourrait même imaginer que d’une année sur l’autre, cet outil permette de ne signaler que les changements. Cette nouvelle étape renforcerait encore l’utilité des courtiers dans l’ensemble de la chaîne de valeur entreprises/intermédiaires/compagnies d’assurances.

 

Propos recueillis par Céline Meslier