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30 septembre 2021

La crise Covid a généré une prise de conscience sur l’importance stratégique des ressources humaines

Raphaële NICAUD est Directrice Conseil Talents et Transformation RH chez Mercer France. Elle intervient auprès d’entreprises porteuses de projets de transformation pour les accompagner dans la recherche d’outils RH adaptés.

Quel est le constat que vous faites, près de 18 mois après le premier confinement lié à la pandémie de COVID ?

Les tendances déjà à l’œuvre avant la crise se sont accélérées. Les changements dans la relation de travail, engagés avec l’arrivée rapide et croissante de la robotisation et de la digitalisation sont aujourd’hui visibles. Des fonctions vont apparaître et d’autres disparaître. On estime à 1 milliard le nombre de ces fonctions qui vont évoluer.

Réfléchir en termes de postes et d’individus devient moins pertinent. En basant notre approche sur les tâches à réaliser et non plus sur les postes, nous envisageons l’organisation de manière nouvelle. Le 100 % télétravail subi par les organisations pendant parfois de longs mois a mis en lumière l’autonomie des collaborateurs. Nous pouvons sereinement envisager une plus grande fluidité dans le travail, dont nous devons tirer parti en matière de stratégie. J’observe ainsi que les structures se dirigent vers plus d’ouverture et de volonté collaborative.

Pourriez-vous illustrer concrètement vos observations ?

Il y a l’exemple actuel d’un leader de la distribution française qui a mené des actions communes avec une entreprise de structures de soins pour personnes âgées et fragiles, qui est emblématique des transformations en cours.

L’entreprise de distribution fait face à un personnel pléthorique en matière d’opérateurs de caisse, souvent des hôtesses. Remplacés progressivement par des caisses automatiques, voire des systèmes de paiement encore plus innovants, ces collaborateurs n’ont pas les diplômes qui leur garantissent une forte employabilité.

A contrario, l’entreprise spécialisée en structures de soins se caractérise par d’énormes besoins de recrutement d’aides-soignants.

Ces deux entreprises ont entamé une réflexion commune. La première a donc mené une phase d’écoute de ses 23 000 salariés pour leur demander ce qui les intéressait dans la vie, ce qui les faisait rêver. Les collaborateurs ont joué le jeu, et 800 environ ont été identifiés comme ayant des activités de bénévolat ou d’implication personnelle auprès des personnes âgées. Actuellement, l’entreprise conduit une opération pilote sur trois départements de la région parisienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Yvelines). Après une journée d’information, 90 personnes se sont vu proposer une formation diplômante
de 14 mois, financée à 60 % par l’entreprise et à 40 % par l’État. Leur contrat de travail continuant à
courir pendant toute la durée de la formation, le système est réversible. Actuellement, 70 collaborateurs suivent ce programme.

Au départ de cet exemple très emblématique, on trouve une réflexion sur les compétences-clés des hôtes et hôtesses de caisse, qui sont adjacentes de celles des aides-soignants. La digitalisation de leur métier induit en effet une approche non seulement centrée sur les hard skills mais aussi sur les soft skills.

La pandémie a-t-elle renforcé le tandem CEO/DRH ?

En effet ! les dirigeants ont redécouvert à quel point les ressources humaines sont stratégiques, ils ont été en première ligne pendant cette période de crise. Ils sont conscients de l’importance de l’expérience collaborateur, un domaine dans lequel il faut investir. La crise a replacé le risque humain au bon niveau. Elle a aussi mis en lumière des questions sur la gestion des données que l’entreprise collecte sur ses salariés.

Quelles sont les grands chantiers en cours dans les organisations aujourd’hui ?

La digitalisation apporte une forte capacité à harmoniser les modalités RH, partout dans le monde pour les grands groupes, mais aussi de manière uniforme entre cadres et non-cadres dans des structures plus petites (gestion des congés, vacances de postes…). Pour cela, certains collaborateurs vont utiliser leur téléphone personnel ou une borne située dans les locaux et accessible à tous. La difficulté consiste à sécuriser les données personnelles auxquelles ces outils donnent accès.

Or aujourd’hui, les entreprises peuvent avoir besoin de savoir si vous avez contracté la COVID, si vous êtes « à risques », combien de personnes vivent dans votre foyer… ? Même si ces sujets sont abordés pour mieux organiser le télétravail ou la reprise des activités en présentiel, ces informations sont personnelles. Il est normal que le salarié se préoccupe de la manière dont elles seront utilisées et stockées. Nous sommes à la croisée des chemins : en interrogeant avec bienveillance ses hôtes de caisse, cette entreprise de distribution, se donne les moyens de proposer un programme innovant. Serait-ce le cas de tous les employeurs ?

L’autre chantier majeur concerne la pérennisation du télétravail. Avant la crise, on constatait encore des
barrières, il fallait parfois batailler avec les Ministères de l’Éducation, du Travail et de la Santé. Aujourd’hui, ces aspects sont derrière nous. Les 18 derniers mois ont démontré que certains changements étaient possibles et notamment d’être plus flexibles en matière de lieu ou de temps de travail, et d’organisation globale. Si des risques demeurent, nous avons appris à les gérer. Les initiatives vont se multiplier à l’avenir. Les salariés ont pu exprimer ce que le présentiel présente comme inconvénients, notamment pour tous ceux qui se trouvent en open space (difficulté à trouver une salle de réunion, à se concentrer, interruptions fréquentes, niveau sonore, problème de confidentialité des échanges…). Ces remontées de terrain militent pour une dé-densification des espaces, même si l’entreprise reste le lieu des rencontres et de la créativité. La solution passe sans doute par une modularité des espaces.

Ces évolutions imposent aux managers d’évoluer dans leur style d’encadrement, en s’appuyant moins sur la hiérarchie que sur la culture d’entreprise, qu’ils auront à cœur d’inculquer et de faire respecter.

Propos recueillis par Céline MESLIER